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Viva la Libertà
5 juillet 2017

ADIEU MADAME VEIL

                         Depuis que, vendredi dernier, une collègue, l'oeil rivé sur son téléphone, a jeté "Oh ! Simone Veil est morte !", le souffle me manque... L'air est moins pur, la vie est plus difficile, les fardeaux sont plus lourds.

                          Je ressens le besoin puissant de vous écrire, de vous dire "au revoir". Etrangement, j'écris peu ici mais l'un de mes premiers billets sur ce blog était consacré à une colère contre des propos de membres du front national évoquant les "IVG de confort". Comment alors ne pas se souvenir de vos mots sur "l'avortement qui est toujours un drame, qui restera toujours un drame"... ?

                         J'écoute, en commençant ce billet, l'émotion de vos fils lors de cet hommage national...et leur force, leur courage, leur amour irradient.

                         Le président de la République vous rend également un hommage magnifique que j'espère vous entendez dans cet au-delà de douceur qu'évoquait votre fils tout à l'heure. Il annonce, pour conclure son discours, qu'en accord avec votre famille, il a décidé que vous et votre mari serez inhumés au Panthéon. Cette décision, rapide, demandée par des milliers de voix dès vendredi soir, est symbolique de votre parcours, de votre vie : "Aux grands Hommes, la patrie reconnaissante"... Tiens, encore un lien avec l'un de mes billets... Pour le coup, ce choix est évident et, comme M. Berthelot qui voulait que sa femme soit auprès de lui dans la mort, Antoine Veil restera auprès de vous... Magnifique symbole. J'entends déjà ceux, plutôt celles, qui veulent changer la devise républicaine, mais, pour moi, ce mot "homme" doit être pris au sens du "Mensch" allemand, "être humain". Madame Delphine Horvilleur, rabbin magnifique qui doit lire votre Kaddish tout à l'heure, explique dans sa tribune dans Le Monde d'aujourd'hui : "En yiddisch, un homme exemplaire, capable de guider et d'inspirer sa génération, est appelé un mensch. Je ne connais pas le féminin de ce terme. Mais je peux vous dire très facilement à quoi il ressemble. Pour beaucoup d'entre nous, il a dorénavant le visage d'une femme née le 13 juillet 1927, une jeune fille âgée de 16 ans quand elle pose le pied en pleine nuit sur la rampe d'Auschwitz, une femme qui survit, témoigne et fait gagner la vie, une militante, une épouse, une mère, une grand-mère, une pionnière, une Européeene, une immortelle."

                         On nous dit sur les plateaux de télévision, dans les articles et même dans les dictionnaires que vous étiez une "femme politique". Je ne vous ai jamais nommé ainsi, je ne pense pas que vous étiez une femme politique. Vous avez été ministre, bien sûr, élue députée européenne, oui, oui, première présidente de la communauté européenne, je sais. Mais, pour moi, vous êtes une femme droite, active, combattive... La liste des adjectifs serait trop longue, je l'arrête ici. Mais, vous n'étiez pas, à mon avis, une femme politique telle qu'on l'entend dans notre pays, parce que vous ne faisiez pas de compromis quand l'essentiel était en jeu, parce que vous ne disiez pas ce qu'il fallait dire ou ce que le peuple voulait entendre pour plaire ou vous faire élire, parce que vous pouviez dire que quelqu'un que vous aviez soutenu était en train de faire des choses stupides ou iniques, parce que vous pouviez dire que qu'un adversaire avait raison sur tel ou tel point, parce que vous étiez en colère, mais pas une colère haineuse, pas une colère stérile. Votre colère était celle qui s'indigne des mépris, des humiliations, des actes inhumains mais aussi celle qui agit, qui se donne les moyens de lutter efficacement. 

                      J'avais lu, à sa sortie, votre autobiographie et elle reste une lecture forte, impressionnante au sens où elle s'est imprimée en moi.

                       Il me reste cependant un mystère. Vous avez choisi, parmi les symboles gravés sur votre épée d'Académicienne, le numéro de matricule que les bourreaux nazis ont gravé sur votre avant bras. Pourquoi ce choix ? Je sais que vous avez dit à de nombreuses reprises que vous étiez sortie d'Auschwitz mais qu'Auschwitz n'était pas sorti de vous, que vous y pensiez à peu près chaque jour. Je me souviens aussi de ce jour où vous posiez une "première pierre" avec truelle et mortier et que devant la réflexion amusée d'un élu, me semble-t-il, notant votre dextérité, vous aviez répondu que c'était votre "métier au camp " ! A l'époque, vous étiez quasi inconnue du grand public et même au sein des "milieux informés", beaucoup ignoraient que vous aviez été déportée à l'âge de seize ans et demi, que vous aviez perdu une grande partie de votre famille... Ce matricule pour rappeler aux autres que vous, vous ne pouvez jamais oublier ce qu'il signifie ? Ce matricule pour lutter jusqu'au bout contre la déshumanisation tentée contre chaque Juif ainsi marqué ? Si ce matricule vous personnifie alors prenons-le comme signe de ce que vous êtes ?

                      Adieu Madame...

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